Adjé
SAVOIR FER
Il se dit « Adjé », mais son regard rieur affirme le contraire, on le croit spécialisé dans le métal, mais il fait flèche (faite hier ou à fer demain) de tout bois.
Son abord chaleureux et son rire explosif, comme celui d’Henri Salvador, contrastent avec le coup de gueule, fugace et accentué du sud-ouest, qui encourage parfois sa fidèle équipe de métallurgistes.
Il est multiforme, un artiste plasticien revendiqué, sculptant l’acier, peignant le bois, installant la déstabilisation et forgeant des mots délicats au chalumeau de son humour décalé.
Insaisissable, donc, mais tout à fait accessible du grand public grâce aux expositions multiples qui ont jalonné son parcours, déjà fécond.
L’Amérique du sud lui a donné le goût du voyage et de la rencontre. Cayenne a pimenté ses titres d’expositions en opposition (« Noir et blanc », “Ordre et désordre ») et le Brésil a parfumé son oeuvre à la fête.
Il aime le groupe, c’est pourquoi on le voit rarement seul. Il adore être entouré d’amis, de rires et de chansons, travaille souvent à plusieurs ou en duo, accumulant les expositions collectives et les invités sur celles qui lui sont personnelles.
Les cultures variées de la Nouvelle-Calédonie, l’actualité, la littérature, la nature, tout l’inspire : le banian comme le bateau, la mer et le dépotoir, l’igname et le palmier.
Il excelle dans l’objet monumental, fresques et sculptures confondues. Il a pris part aux totems “pascuaniens” » de l’îlot Canard et a imagé, entre autres, de grands mythes comme la licorne et le Nautilus en traduisant concrètement la fantasmagorie de Jules Verne.
De Nemo aux mots, cet amoureux de Nougaro passe avec brio et il cisèle malicieusement des quatrains, des aphorismes à double sens, voire « pince-sens-rime».
Du grand Claude, il a gardé la passion de la musique, celle qui touche le coeur et les jambes, celle qui rassemble autour d’un feu de camp manouche ou qui fait se trémousser derrière un char de carnaval.
Bref, on a du mal à le décrire, à le cerner, il ne vous reste plus qu’à aller voir de quoi il retourne sur place.
C’est facile, l’homme, toujours en mouvement artistique, l’artiste, toujours en réflexion humaine, vous propose son “savoir-fer” multidirectionnel.
Merci, El Adjé !
Roland Rossero